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hist_001.tex

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\def \epitaphe#1#2{%
   ($\oldstyle#1$ -- $\oldstyle#2$)}
 
Les nombres imaginaires (ou nombres complexes) sont un objet
mathématique simple  
présent dans de nombreux domaines des mathématiques.
L'histoire de leur découverte 
est riche en événements et a soulevé des problèmes
é\-pis\-té\-mo\-lo\-gi\-ques profonds. En effet, premier objet
produit d'une construction abstraite, les nom\-bres imaginaires
posèrent aux géomètres des problèmes d'existence et de
statut. Comment justifier de leur \og réalité\fg~?
De la réponse à cette question naîtront de nouveaux objets 
algébriques et de nouvelles théories, tant en algèbre
qu'en analyse.
 
Le but de ce papier est simplement de rappeler quelques 
dates dans l'évolution du concept depuis son élaboration
par les algébristes italiens de la fin du 
XV$^{\rm e}$~siècle.
 
\def \dat#1{%
   \item{$\oldstyle #1$}}
 
\dat{1494} Luca Pacioli \epitaphe{1450}{1510}, frère franciscain
qui occupa une chaire de mathématiques à Milan, publie 
le premier livre
imprimé contenant véritablement de l'algèbre
({\sl Summa de arithmetica, geometria, proporzioni di 
proporzionalita\/} ($\oldstyle 1494$)). Il y reprend
la classification arabe des équations du second degré.
 
\dat{1500} Scipione del Ferro \epitaphe{1456}{1510}, citoyen de
Bologne, donne la formule de résolution
$$
   x = 
   \root 3 \of {
      {b \over 2} + 
      \sqrt{ \left( b \over 2 \right)^2 
         + \left( a \over 3 \right)^3}}
   +
   \root 3 \of {
      {b \over 2} -
      \sqrt{ \left( b \over 2 \right)^2 
         + \left( a \over 3 \right)^3}}
$$
pour l'équation $x^3 + ax = b$. Malgré tous les progrès 
réalisés par les Arabes sur les équations cubiques, cette 
formule constituait une nouveauté.
 
\dat{\approx 1535} Nicollo Fontana de Brescia 
\epitaphe{1499?}{1557}, dit Tartaglia, 
répondant à un défi, résout une 
trentaine d'équations cubiques particulières du type
$x^3 + mx^2 = n$ et $x^3 + ax = b$.
 
\dat{1545} Cardan rend publique 
(dans {\sl Artis magnae sive de regulis algebraicis\/}, dit 
{\sl Ars magna})
la méthode de résolution des équations cubiques
(provoquant la rage de Tartaglia pour de
longues années). Il s'aperçoit qu'une équation du troisième
degré peut avoir trois racines et celles du quatrième
degré, quatre.
 
\dat{1572} Publication des trois premiers livres de 
l'{\sl Algebra\/} de Rafaël Bombelli 
\epitaphe{1526}{1572}, quelques mois avant sa mort. 
Dans ceux-ci, Bombelli montre que la formule 
de del Ferro est valable dans
tout les cas, à condition d'admettre que l'on peut utiliser
$\sqrt{-1}$ et les racines carrées de nombres négatifs en 
respectant certaines règles de calcul. Bien entendu, ces 
nombres ne sont considérés que comme des outils de calcul
devant disparaître dans l'énoncé du résultat (tout comme
les nombres négatifs~!). 
 
\dat{$1629$} Albert de Girard, dans {\sl l'Invention nouvelle
en l'algèbre\/}, affirme que toute équation de degré $n$ admet
exactement $n$~racines, à condition de compter les racines 
impossibles, chacune avec son ordre de mul\-ti\-pli\-ci\-té. 
Il faudra
plus d'un siècle avant que les mathématiciens éprouvent
le besoin de prouver ce résultat (connu sous le nom de
{\sl Théorème fondamental de l'algèbre\/}).
 
\dat{1637} Descartes qualifie pour la première fois ces 
nombres d'\og imaginaires\fg.
 
\dat{1685} L'anglais John Wallis a l'idée de représenter
les nombres complexes par les points du plan.
 
\dat{1746} Publication de la première démonstration,
par d'Alembert, du théorème fondamental de l'algèbre.
 
\dat{1777} Euler introduit la notation $i$ pour $\sqrt{-1}$.
 
\dat{1799} Publication, par Gauss, d'une nouvelle 
démonstration du théorème fondamental de l'algèbre.
 
\dat{1806} Robert Argand reprend l'idée de Wallis et la 
combine avec les notions de grandeur et de direction.
Il introduit également la notion de {\sl module\/} d'un
nombre complexe, notion que Gauss reprend en l'appelant
{\sl norme}. 
 
\dat{1815} Publication, par Gauss, d'une nouvelle 
démonstration du théorème fondamental de l'algèbre. 
C'est donc la deuxième à son actif. Par la suite, 
il en donnera encore deux autres, toutes
distinctes.
 
 
\dat{1831} Gauss définit clairement ces nombres et les appelle
{\sl nombres complexes}. Il reprend aussi les idées
d'Argand sur la représentation de ces nombres.
 
\dat{1835} Le mathématicien irlandais William~R. Hamilton
\epitaphe{1805}{1866} propose une théorie arithmétique qui 
consiste à considérer les nombres complexes comme couples de
deux réels, et à définir les opérations usuelles sur ces 
couples. C'est la généralisation de cette étude qui va 
conduire à la construction du {\sl corps des quaternions}.
 
\dat{1847} Augustin Cauchy réduit les calculs sur les complexes 
à des calculs sur les polynômes. C'est lui qui introduit la 
notion d'{\sl argument\/} d'un nombre complexe.
 
\dat{1882} L'allemand Kronecker \epitaphe{1823}{1891} insère
la théorie des complexes dans la théorie générale des corps
algébriques. Ce sera le point de départ de la théorie des
corps de rupture des équations et de la théorie des nombres
algébriques, et, plus généralement, de constructions très 
fécondes de nouveaux objets algébriques, développées surtout 
par l'école algébriste allemande de la deuxième moitié
du XIX$^{\rm e}$ siècle.